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Fouta, offrande de la Terre


Pour rejoindre la Guinée, il faut s'armer de patience et de tolérance...

La gare routière de Manda-Douane au Sénégal (carrefour pour rejoindre la Gambie ou la Guinée) est en effet une véritable cage aux lions. Lorsqu'on y pénètre pour changer de véhicule, on (locaux comme touristes) se sent comme un appât qui excite les félins. Les chauffeurs s'arrachent les clients au point de devenir irrespectueux voire violents. Ils s'agrippent aux voitures qui arrivent jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent puis tentent d'attraper les bagages pour que leurs potentiels clients les suivent, ne leur laissant pas le choix. L'homme qui nous a conduit ici, conscient que le touriste est une cible privilégiée, nous a conseillé de ne pas descendre du véhicule et de ne parler à personne. Plus tard, il nous a « cachés » et a trouvé lui-même un chauffeur digne de confiance pour nous emmener en Guinée. Ouf !


Entassés à 12 personnes (dont deux enfants) dans une voiture composée normalement de sept places, et avec trois personnes en plus sur le toit, nous avons difficilement parcouru les 377km (en 10h!) qui séparent Manda-Douane de Labé (Guinée). Un des trajets les plus fatigants de notre séjour mais sans problème pour passer les trois barrages à la frontière. Pas de bakchich distribué aux militaires, contrairement à ce que nous pensions.


Territoire peul


Arriver à Labé est un soulagement. D'autant plus que cette ville, préfecture de la région de Moyenne-Guinée, vaut le détour. Au cœur du Fouta-Djalon, elle est le point de départ de nombreuses randonnées à travers les montagnes.


Ancienne terre des Djalonkés, le Fouta est presque exclusivement composé de Peuls, ethnie nomade venue du Sahel. Majoritairement éleveur et commerçant, ce puissant peuple, à l'époque plus riche que les autres grâce à son bétail, s'est installé sans difficulté dans toute l'Afrique de l'Ouest aux XVe-XVIe siècles. Islamisateurs, bien supérieurs aux Djalonkés, les Peuls musulmans se sont accaparés les plaines du Fouta. Les Djalonkés, eux, contraints de se convertir à l'islam ou de s'exiler, ont reculé en Basse-Guinée (maritime). Au Fouta-Djalon, il ne reste d'eux que la dénomination de cette province.


Château d'eau d'Afrique de l'Ouest


Lors d'un trek de trois jours dans cette région vallonnée, considérée comme la plus belle du pays, nous avons pu apprécier ses paysages variés : entremêlement de roches noires, de petites plaines arides, d'arbres verdoyants, de falaises ocres où circulent des rivières formant des cascades. La Guinée est d'ailleurs surnommée le « Château d'eau d'Afrique de l'Ouest » car les fleuves Sénégal, Gambie et Niger y prennent leurs sources.


Se promener dans le Fouta, c'est emprunter des ponts de lianes ou « de Dieu », c'est à dire un pont naturel de roche creusée par la rivière, croiser les troupeaux des éleveurs peuls, observer les babouins dans les collines, se baigner dans les piscines naturelles, découvrir les carrières de sable...


Au cœur des montagnes se nichent quelques villages typiques de la culture peul. Organisés en quartiers (un quartier = une famille) et composés essentiellement de cases, Aïguel et Leyfita vivent loin de tout. Non accessibles en voiture, pas d'électricité, lessive dans les cours d'eau, cuisine au feu de bois,... Seul le portable leur permet de suivre l'actualité, à condition d'escalader la montagne pour capter un signal !


A la venue des touristes, les habitants sont ravis d'échanger sur les informations internationales. Nous, visiteurs, sommes forcément heureux d'en apprendre davantage sur leur culture. Un moment de partage privilégié et de belles rencontres.


Alpha, le Pierre Rabhi guinéen


Autre belle rencontre, celle d'Alpha, à notre retour à Labé. Ce petit bout d'homme, fils d'agriculteurs, tient une pépinière d'un peu plus de 3 ha, qu'il a créée en 1981 sans aucun soutien financier de la part de l'État. Inspiré notamment par Pierre Rabhi, le jardinier a suivi une formation sur l'environnement et se passionne pour la permaculture et la phytothérapie.


Surtout, Alpha a le cœur sur la main (verte). Il distribue des graines et semences aux familles pauvres et leur apprend les bases du jardinage pour qu'elles puissent cultiver leurs propres légumes et ainsi faire des économies. En échange, il demande aux enfants de lui rapporter des déchets (pneus, bouteilles en verre, plastiques,...) dont il se sert pour ses plantations. Une manière de sensibiliser les jeunes à la présence massive de déchets à Labé (comme ailleurs). Il reçoit également les élèves (de l'école à l'université) pour les intéresser au travail de la Terre.


Chez lui poussent l'agave, l'eucalyptus, le frangipanier, l'hibiscus ou encore le caféier... Il tente d'ailleurs de développer la culture de café à grande échelle dans la région, propice à cette culture.


Un peu plus au Sud, nous avons rejoint la ville de Dalaba, toujours dans le Fouta.

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